Discours de Adama Ouédraogo Damis lors de son audition dans le cadre du procès du putsch manqué du lundi 15 octobre 2018.
Monsieur le président du tribunal, Monsieur le juge conseiller, Messieurs les juges assesseurs, Les faits sont constants et très clairs.
- J’ai rencontré le général Gilbert Diendéré et bien d’autres personnalités dans le cadre de l’écriture de mon livre et rien d’autre. On a, en aucun moment parlé de projet de coup d’Etat, je n’ai jamais rien rédigé non plus un quelconque document. Je n’entretiens aucune relation de collaboration et de confiance avec le général Diendéré. Bientôt, il sera à la barre et il aura l’occasion de s’expliquer.
J’ai également rencontré Me Kam, chez lui à domicile et nous avons parlé de politique et des problèmes de la Transition. Si Me Kam dit que le fait de parler de politique avec le général est suffisant pour établir une infraction de complot, alors la logique voudrait que lui-même soit dans ce complot car ce sont les mêmes sujets de discussion que j’ai abordés aussi bien avec lui qu’avec le général Gilbert Diendéré.
- Le 16 septembre 2015, dans l’après-midi, j’ai appelé de nombreuses personnes dont un élément du RSP pour savoir ce qui se passait à la présidence du Faso. Il n’en était pas informé. C’est dire que je n’étais au courant de rien, je cherchais à m’informer comme nombre de Burkinabè ce jour-là.
- La nuit du 16 septembre 2015, je ne suis pas allé au camp Naba Koom en connaissance de cause. C’était exactement le même scénario que le 31octobre 2014 au camp Guillaume Ouédraogo où il y avait un dispositif sécuritaire impressionnant contrairement à Naba Koom. Je n’ai pas eu de difficultés pour entrer au camp Guillaume malgré la présence dissuasive d’éléments armés ce jour 31 octobre 2014. Je partais à la présidence et c’est à l’entrée de la présidence qu’on m’a dit que c’était plutôt au camp Naba Koom que devait se dérouler la médiation. Personne ne m’attendait au camp Naba Koom. Je n’ai pas vu le général Gilbert Diendéré, je n’ai même pas cherché à le voir.
- Je tiens à préciser qu’un journaliste, même s’il collecte des informations, peut ne pas les exploiter immédiatement. En somme, je n’ai pas rédigé de déclaration, je n’ai pas modifié ni corrigé non plus de déclaration. Je n’ai participé en rien dans cette histoire de coup d’Etat, ni avant, ni pendant, ni après. Je n’ai posé aucun acte. L’élément présenciel n’est pas constitutif d’une infraction. Personne dans ce dossier n’a soutenu que j’ai participé au coup d’Etat par quelque acte ou moyen que ce soit. Le parquet militaire n’a pas pu apporter aucun élément qui me met en cause. Monsieur le président, Je suis journaliste, je me suis renseigné et j’ai pu noter que vous et votre juge conseiller, vous êtes des magistrats de très grandes qualités, les officiers supérieurs et l’officier général de votre tribunal sont des militaires très brillants. J’ai donc foi à votre juridiction parce que vous êtes des personnalités très sages. Et le plus grand honneur pour un juge, c’est d’acquitter un innocent.
Monsieur le président, Certes, je ne suis pas à cette barre pour des faits de l’insurrection. Mais avant d’être un accusé, je suis un journaliste. C’est pourquoi je me suis permis de faire des analyses et de dire certaines choses qui ne signifient pas que j’avais une dent contre la Transition.
J’ai écrit contre le régime Compaoré, j’ai écris contre la Transition et j’écris tous les jours contre le pouvoir actuel. Je fais un travail de critique et je ne dis rien qui ne soit basé sur des éléments de preuves. Monsieur le président du tribunal, Monsieur le juge conseiller, Messieurs les juges assesseurs, Le 3 janvier 1966, lorsque les populations de la Haute-Volta se sont insurgées contre le président Maurice Yaméogo, en digne fils de Koudougou et du Burkina, Maurice Yaméogo a accepté quitter ses fonctions pour l’intérêt supérieur de la Nation. L’armée a pris le pouvoir et c’est l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, Sangoulé Lamizana, qui a pris les rênes de l’Etat.
La Haute-Volta aujourd’hui Burkina Faso s’est bien portée par la suite. Je demeure convaincu que si le général Nabéré Honoré Traoré avait géré la Transition au nom de l’armée, notre pays n’allait pas connaitre cette situation que nous déplorons tous car l’Armée est l’institution la mieux organisée de notre société. Le général Nabéré Honoré Traoré est un homme d’honneur et de devoir. En l’évinçant par la force avec la complicité de certains hommes politiques et de leaders de la société civile pour installer un officier du RSP, on a non seulement fait un contre coup d’Etat mais on a du même coup ouvert la voie à d’autres crises. C’est le péché originel des crises sociopolitiques et même sécuritaires que nous vivons aujourd’hui. Ayons le courage de poser le débat sinon, aucune solution durable ne sera trouvée dans ce pays. Pour un seul article de la Constitution, je dis bien un seul article, on s’est assis sur toute la Constitution, on a brûlé toute une Assemblée nationale, incendié des domiciles privés et des biens publics. Certains ont même revendiqué ces violences inouïes et en étaient fiers.
Un homme politique à lui seul a mobilisé plus d’un milliard de francs CFA pour planifier et organiser toutes ces violences dont notre pays n’avait pas besoin. Autant je condamne vigoureusement le coup d’Etat du 16 septembre 2015 autant je condamne sa mère qui est celui du 31 octobre 2014, né par césarienne au camp Guillaume Ouédraogo dont un des géniteurs (ou cerveaux) dans la conception et l’exécution (Me Guy Hervé Kam) est confortablement assis dans cette salle d’audience au niveau de la partie civile.
Monsieur le Président, Monsieur le juge conseiller, Messieurs les juges assesseurs, Je voudrais pour terminer présenter à vous, à votre juge conseiller et aux valeureux officiers de votre tribunal toutes mes excuses au cas où mon attitude n’a pas été correcte à la barre. J’adresse des salutations chaleureuses à mes avocats. Merci Me Bambara pour les sages conseils que vous n’avez cessés de me prodiguer tout au long de la procédure, Me Bambara ne me considérait pas comme un simple client mais comme un fils dont il tirait les oreilles quand je posais des actes sans son assentiment comme ma lettre ouverte au président du Faso pour dénoncer les agissements anticonstitutionnels du parquet militaire qui me refusait l’accès aux soins. Merci à Me Stéphane Ouédraogo, un jeune avocat combatif. Je m’en voudrais de ne pas remercier les autres avocats de la défense. Ce procès m’a permis de découvrir de grands avocats aussi bien du côté de la défense que de la partie civile que je salue au passage.
Merci à tous mes amis et à toutes les personnes anonymes qui me soutiennent dans cette épreuve. Aux familles des victimes du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et du coup d’Etat du 31 octobre 2014, que Dieu apaise vos cœurs, qu’il vous bénisse, bénisse tous ceux qui sont dans cette salle et bénisse notre pays. Je vous remercie.
Adama Ouédraogo Damiss
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