Le procès du putsch de septembre 2015 s’est poursuivit ce mardi 3 juillet 2018 avec l’interrogatoire des accusés. L’adjudant Jean Florent Akowè Nion et le caporal Da Sami ont été entendus. Le premier prévenu a déclaré qu’il reconnaît partiellement ces faits, tout en affirmant plus loin, pour la première fois depuis l’ouverture du dossier, que c’est le général qui a donné l’ordre de faire un coup d’Etat et non un groupe de militaires. Le second quand à lui, il a plaidé non coupable.
Né le 4 juillet 1974, l’adjudant Jean Florent Akowè Nion décoré de la médaille militaire n’a jamais été condamné, mais dans le dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, il a été appelé à la barre ce mardi 3 juillet 2018.
Troisième accusé à être appelé à la barre, l’adjudant Jean Florent Nion est accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire. Cependant, à la lecture des charges qui pèsent sur lui, il a déclaré : «Je reconnais partiellement». A cette déclaration le président du Tribunal Seydou Ouédraogo l’a invité à s’expliquer.
Il raconte : «le 16 septembre 2015, j’étais de garde à Kosyam pour 48 heures, où je faisais partie de l’escorte du président. Après avoir escorté le président à la présidence et après que ce dernier s’est installé dans son bureau, je suis reparti pour me reposer dans un local situé au sein du palais. C’est dans mon repos que, Le major Badiel Eloi et le sergent-chef Roger Koussoubé m’ont réveillé. Ils m’ont fait comprendre que sur instruction du général, nous devons opérer un coup d’Etat. A l’annonce de l’information, j’avoue que j’ai eu peur. En plus, il fallait donner une réponse sur le champ. Alors j’ai cherché à joindre le général Gilbert Diendéré à qui j’ai envoyé un texto. Il m’a répondu en me demandant de le rejoindre chez lui. J’y suis allé et il m’a confirmé. Je suis revenu rendre compte au major qui faisait partie d’un attroupement sous le hall. C’est en repartant à mon poste de garde qu’un véhicule conduit par l’adjudant-chef Moussa Nébié a freiné et il m’a ordonné de monter. Il s’est alors dirigé vers la présidence. Quand on est arrivé, il était question d’accéder à la salle du Conseil des ministres. Quand on est rentré, l’adjudant-chef a dit ceci au président : «on est attaqué, on vous amène en lieu sûr». Les autorités se sont alors levées et nous ont suivis. Le Pr. Augustin Loada a été interpellé et je lui ai demandé de suivre les éléments. Il en est de même pour le ministre René Bagoro. Après je suis reparti à mon poste de garde». C’est ce que j’ai posé comme acte ». a-t-il dit.
Après les déclarations de l’adjudant Jean Florent Nion, celui-ci a reçu des félicitations tant de la part du Parquet militaire que des avocats de la partie civile. Le parquet a ainsi loué la « franchise » de l’accusé qui semble être resté fidèle dans ses propos par rapport à ses déclarations durant l’instruction du dossier. « Un commando, c’est un homme d’honneur », exalte le ministère public à l’endroit de l’adjudant. « Je voudrais vous témoigner mon admiration personnelle (…). C’est ça l’attitude d’un homme a fortiori, un militaire », accole Me Farama. Son confère Me Guy Hervé Kam, de la partie civile, a sollicité le parquet pour éviter des désagréments à l’accusé quand il retournera en détention.
Pour se dédouaner, l’inculpé indique que même « si tu n’es pas d’accord avec quelque chose, ce n’est pas à tout moment que tu peux refuser. Si j’avais la possibilité de m’envoler, j’allais le faire ». Pour les autres, il les nie en bloc. « Je n’ai jamais tué quelqu’un. Je me suis limité à la présidence et il n’y a pas eu de mort à la présidence (…). Je n’ai jamais porté la main sur qui que ce soit », avance l’adjudant pour balayer de revers les autres faits d’accusations. « J’étais dans une mauvaise position au mauvais endroit. Si je n’étais pas de garde, peut-être que je ne serais pas là (à la barre) », commente l’accusé.
Néanmoins, l’adjudant reconnaît avoir tiré « en l’air » au carrefour de BF1 pour disperser des manifestants. Il reconnait également avoir été à l’hôtel Laïco pour rendre visite aux éléments précurseurs de la délégation du président sénégalais Macky Sall. Une autre fois dans le même hôtel, il atteste avoir exfiltré Roch Kaboré et Saran Sérémé avec l’aide de l’accusé Adama Diallo. Tablant donc sur la « franchise » de l’accusé, les conseils de l’adjudant Nion espèrent que les éloges du parquet pèseront par la suite en faveur de leur client.
Après l’adjudant Nion, c’est le caporal Da Sami qui a été appelé à la barre. Ce dernier n’a pas reconnu les faits portés à son encontre. «C’est quand j’ai été interpellé le 21 septembre 2015 que j’ai entendu parler du coup d’Etat». En effet pour lui, le 16 septembre 2015, il était dans une maison appartenant à l’ex-première Dame Chantal Compaoré, lorsqu’il a été appelé par le sergent- chef Roger Koussoubé, vers 13 heures, lui demandant de venir à la présidence. Et c’est de là qu’en compagnie d’autres éléments, ils se rendront là où se tenait le Conseil des ministres. «Des éléments sont entrés à l’intérieur de la salle et j’ai vu Moussa Nébié et Nion ressortir avec le président Kafando et le premier ministre Zida», a-t-il indiqué. Par la suite, l’inculpé affirme avoir été de la délégation qui est allée chercher le général Diendéré pour l’emmener à la présidence. Poursuivant son explication, il a déclaré avoir été instruit par son supérieur Koussoubé de rester aux côtés du général pour assurer sa sécurité. Chose qu’il a fait jusqu’à son interpellation le 21 septembre 2015. Toujours dans son argumentaire, il reconnaît avoir reçu 500 000 francs de Roger Koussoubé, sans pour autant dire ce qu’il en a fait, et ce qu’il a fait pour les mériter. C’est sur ces explications que l’audience a été suspendue pour reprendre ce matin 04 juillet 2018 toujours avec cet accusé.
Nous vous reviendrons pour d’autres informations concernant le procès de ce matin.
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